L'Emprunt public



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Questions dans la Conception de Programmes
Collaborateur: La Banque Mondiale
L'auteur: Decentralization Thematic Team
Le contact: Jennie Litvack



Faut-il décentraliser l'emprunt public?

On a cité la crise de la dette des administrations infranationales au Brésil, l'impact inflationniste de la politique financière des administrations infranationales en Argentine et la faillite de certaines municipalités aux Etats-Unis pour illustrer les conséquences possibles au niveau macro-économique, de la décentralisation des pouvoirs d'emprunt. La thèse fondamentale en l'occurrence est que l'accès aux marchés financiers par les administrations infranationales comporte un risque financier pour les administrations centrales. Toutefois, la littérature académique et l'expérience concrète sur le terrain n'établissent pas de lien négatif inhérent entre la décentralisation des pouvoirs d'emprunt et la capacité des administrations centrales de maintenir la discipline financière et d'assurer la stabilité macro-économique. Plutôt, c'est la conception de la décentralisation du système financier, surtout la conception du cadre juridique qui régit la décentralisation des pouvoirs d'emprunt, qui semble être le facteur clé.

Pourquoi l'accès aux marchés financiers est-il important?

Il y a trois raisons fondamentales pour lesquelles on estime que l'accès aux marchés financiers est important pour les administrations infranationales :

  • Financer les dépenses d'investissement : Les administrations infranationales ont souvent la responsabilité de faire des investissements d'envergure. Financer ces types d'investissement en augmentant les impôts est inefficace. De surcroît, puisqu'il faut plusieurs décennies pour réaliser les fruits de ces investissements publics, il est équitable que les générations à venir participent dans le financement de ces investissements et les marchés financiers en fournissent l'occasion.
  • Faire accorder les dépenses aux flux fiscaux : Il y a des années pendant lesquelles les impôts perçus ne suffisent pas à financer les dépenses à faire et c'est l'accès aux marchés financiers qui permet aux administrations de boucler leurs budgets.
  • Stimuler la responsabilisation politique : Le prix des capitaux pourrait fournir un mécanisme indépendant pour la stimulation de la responsabilisation politique. Les marchés financiers, en accordant des prêts aux administrations infranationales à des prix forts ou en leur refusant des prêts, pourraient indiquer la mauvaise performance de celles-ci.

Comment les niveaux infranationaux peuvent-ils avoir accès aux marchés financiers ?

Il existe au moins quatre moyens par lesquels les administrations infranationales peuvent accéder les marchés financiers :

  • Emprunts par les administrations centrales qui à leur tour prêtent aux niveaux infranationaux.
  • Emprunts par le truchement d'une institution financière publique
  • Emprunts directs aux marchés financiers
  • Emprunts directs par les niveaux infranationaux eux-mêmes et si possible, par la décentralisation de services publics (voir ci-après)

Pour avoir une idée nette des avantages de chaque mode de financement, les responsables politiques doivent prendre en considération plusieurs facteurs. Le mode de financement choisi devrait minimiser ou éliminer l'allocation inefficace du crédit. Tout engagement d'un niveau supérieur de gouvernement devrait être réduit au minimum et clairement reconnu. Le renforcement des marchés financiers devrait être pris en considération dans le choix du mode de financement.

Des complications supplémentaires pourraient arriver si on utilise plusieurs moyens. En Afrique du Sud par exemple, le gouvernement a établi une banque publique d'infrastructure qui vient s'intégrer dans un marché financier bien développé. Dans ce cas, le cadre juridique doit spécifier à quel degré on pourrait établir des rapports complémentaires entre les systèmes financiers (publics et privés), si la concurrence entre les deux systèmes est nécessaire, si la concurrence loyale est possible...

Le développement de différents marchés financiers nationaux

Dans l'évaluation de différents modes de financement, il est particulièrement intéressant de voir les liaisons entre l'accès aux marchés financiers par les administrations infranationales et le développement des marchés financiers nationaux. Dans les pays où les marchés financiers de la nation sont faibles, les emprunts contractés par le gouvernement central à l'étranger pourraient être le moyen de base pour les administrations locales d'accéder aux crédits à long terme. Le défi pour les décideurs consisterait à élaborer une stratégie qui éliminerait progressivement les prêts des gouvernements centraux aux entités locales à mesure que se développent les marchés financiers de la nation. Cependant, dans les pays où les marchés financiers sont plus développés, il faut être très prudent dans l'emploi des intermédiaires financiers publics et des prêts des administrations centrales pour éviter l'élimination des capitaux privés.

La décentralisation du marché - impliquer le secteur privé dans le financement et la prestation de services publics et la réduction des tailles de prestations de services, pourraient accroître l'accès aux capitaux. Assurer l'approvisionnement en eau ou en électricité par exemple, en adoptant l'organisation des sociétés, pourrait rendre les marchés plus accessibles, si l'entité concerné peut mieux résister aux ingérences politiques que ne le pourraient les entités publiques. Dans les pays où les marchés financiers sont peu développés, la décentralisation du marché pourrait faciliter l'accès aux marchés financiers étrangers pour les fournisseurs de services et ainsi contribuer au développement des marchés financiers.

Aussi, dans les marchés financiers plus développés, l'emploi des agences d'évaluation de solvabilité et des agences de cautionnement fournit un mécanisme de marché pour réguler les emprunts des entités infranationales. Mais ces institutions doivent être suivies et régulées elles-mêmes par le secteur public.

Enfin, une leçon claire se dégage de l'expérience mondiale : les institutions financières publiques sont peu désirables. La tentation pour les administrations infranationales d'abuser de leurs rapports avec leurs propres institutions financières au dépend de la stabilité macro-économique est trop grande. L'Argentine est un exemple classique de cette situation.

Quelles devraient être les dispositions du cadre juridique gouvernant les administrations infranationales?

Un cadre juridique bien conçu est nécessaire pour assurer que la décentralisation des pouvoirs d'emprunt ne pousse les marchés financiers à prêter sans prudence et ne motive les administrations infranationales à contracter des emprunts de façon excessive, des tendances fâcheuses que paieraient en fin de compte les pouvoirs au niveau central.

Il faut que la transparence soit intégrée dans le cadre juridique. La transparence serait mieux assurée par des systèmes comptables normalisés et un système d'informations publics qui met en lumière les obligations des entités infranationales. Cependant, la disponibilité d'informations publiques suffisantes en soi ne limiterait pas forcément les risques d'endettement excessif. Il faut par la législation établir des seuils d'endettement et spécifier les sanctions qui seraient encourues en cas de dépassement de ces seuils. Et aussi, il est nécessaire d'avoir des mécanismes assurant la transparence et régissant la faillite des établissements publics. Deux exemples de cette dernière recommandation sont les conseils pour le contrôle des finances aux Etats-Unis et les syndics en Nouvelle Zélande.

Il est nécessaire que les administrations infranationales aient accès à des ressources propres (recettes fiscales, subventions inconditionnelles ) qui pourraient servir de garantie et qui pourraient réduire les risques d'obligations financières. Sans ressources propres, les marchés financiers pourraient bien conclure que tout emprunt contracté par les administrations infranationales comme étant implicitement garanti par le pouvoir central. Des recettes propres sont donc une condition préalable pour que les administrations infranationales aient accès aux capitaux et pour éviter les risques financiers pour les niveaux centraux.

La décentralisation du marché déclenche un mécanisme intéressant pour réduire les risques d'endettement excessif. Avec la privatisation du domaine de l'infrastructure, les firmes publiques seront gouvernées par les lois de faillite avec la possibilité d'être reprises par des concurrents plus compétitifs (cette option n'est pratique que si le gouvernement permet la libre concurrence dans tous les secteurs). La participation privée crée des possibilités pour obtenir des fonds propres et aussi pour s'endetter. De surcroît, la réduction de la taille des prestations pourrait réduire la taille des entités impliquées et ainsi éviter le syndrome de "l'entreprise est trop grande pour qu'on l'abandonne à la faillite", qui motive souvent le renflouement des grandes sociétés

Et finalement, il est nécessaire de faire un suivi des méthodes indirects d'endettement et si possible d'y mettre fin. En particulier, la législation doit interdire de puiser dans les fonds de retraite. Elle doit interdire également aux administrations infranatonales d'emprunter par le biais de leurs propres sociétés. En cas de dérogation à cette règle, il est nécessaire d'établir des plafonds à de tels engagements. Il est souhaitable de stipuler, par ailleurs que, les administrations doivent équilibrer leurs budgets courants en fin d'année budgetaire pour qu'elles ne prennent pas l'habitude au fil du temps d'emprunter afin de financer des dépenses courantes ou de pallier leurs recettes insuffisantes.

En fin de compte, l'emploi d'une combinaison d'instruments - des systèmes financiers appropriés, des recettes fiscales propres pour les administrations infrationales, une législation régissant la faillite, la privatisation des prestations de services - offrent un cadre institutionnel et une incitation aux pouvoirs publics à tous les niveaux de gouvernement à maîtriser leurs dépenses et permettent la décentralisation du pouvoir d'emprunt.

Doit-on permettre l'emprunt sur les marchés étrangers?

Faut-il permettre aux administrations subnationales d'emprunter sur les marchés internationaux? La politique sur les comptes de capital, le régime de changes, le régime gouvernant le flux des capitaux, autant de situations qui compliquent la réponse à cette question. Il est souhaitable de prendre en considération l'état de développement des marchés nationaux pour arrêter sa politique. Il pourrait être préférable de permettre d'abord l'accès aux marchés nationaux avant de permettre les emprunts sur les marchés étrangers. En général la solution préconisée est d'interdire l'accès aux marchés étrangers par les administrations infranationales. De toutes les manières, les questions abordées dans cette note au sujet du cadre juridique s'appliquent également aux emprunts sur les marchés internationaux.