La Restructuration des Institutions Rurales



page d' accueil
index du site
Questions dans la Conception de Programmes

L'auteur: Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture
Le contact: Jean Bonnal



La Restructuration des Institutions Rurales

Les interventions dans les pays en développement ont de plus en plus cherché à aider les institutions publiques du secteur rural dans leur effort d'adaptation au nouveau contexte économique, et dans l'établissement de rapports nouveaux avec les agriculteurs et les autres acteurs de la société civile Les partenaires au développement sont ainsi parvenus, dans le domaine institutionnel, à définir et à perfectionner après leur mise en pratique en milieu réel, des méthodologies et instruments d'analyse et des modèles d'organisation qui répondent aux objectifs actuels de sécurité alimentaire et de développement économique et social durable.

Depuis le début des années quatre vingt dix, les institutions d'appui au développement ont été sollicitée par un nombre croissant de pays , pour leur apporter, un appui dans la restructuration des institutions publiques et dans le renforcement des organisations professionnelles agricoles.

1. Le préalable: redéfinition du rôle de l'Etat

Les politiques visant à instaurer des économies de marché conduisent à redéfinir le rôle de l'Etat en le recentrant exclusivement sur sa mission de service public et en lui donnant les capacités de la remplir dans les meilleures conditions d'efficacité et de coût.

Cette mission de service public s'inscrit dans les trois fonctions principales suivantes:

  • La fonction d'orientation: recueil de l'information utile sur le secteur agricole, analyse et prévision macro-économique de ses évolutions, propositions de mesures de politiques agricoles, suivi et coordination des actions de développement.
  • La fonction de réglementation et de contrôle: préparer et adapter les lois et règlements visant à encourager le développement et préserver l'intérêt général dans les différents domaines, institutionnel, phytosanitaire, vétérinaire, de la qualité des produits agricoles et des facteurs de production, etc. et assurer leur application par tous les acteurs concernés;
  • La fonction de préservation des ressources naturelles: procéder à leur inventaire et à leur classification, définir et faire appliquer, avec la participation des populations, les plans d'aménagement assurant leur exploitation rationnelle et leur préservation.

Outre ces trois fonctions relevant de son domaine exclusif, l'Etat a un rôle important à jouer en contribuant avec les autres acteurs, à la fonction d'appui technique aux productions et de conseil aux agriculteurs, notamment à travers la recherche agronomique, la vulgarisation et la formation agricole.

2. Définition et principes de base

Basée sur la redéfinition du rôle de l'Etat, la restructuration consiste en une transformation structurelle profonde, comportant des dissolutions, des reconversions et des créations d'institutions de type nouveau. Elle prend en compte la résolution des problèmes, en particulier humains, induits par sa mise en oeuvre.

Les principes auxquels elle obéit sont:

  • une claire séparation des fonctions de service public qui relèvent de l'Etat, de celles du secteur privé et l'instauration de relations d'un nouveau type entre eux, basées sur la concertation et favorisant la participation de la société civile au choix et à la mise en oeuvre des politiques de développement;
  • une recomposition d'ensemble du paysage institutionnel, basée sur le redimensionnement du secteur public par rapport à sa nouvelle mission, et sur une plus grande place des organes représentatifs de la société civile;
  • une décentralisation des pouvoirs et des responsabilités, donnant aux organes locaux représentatifs des populations, plus de liberté et de pouvoir de décisions ainsi que les moyens de les mettre en oeuvre
  • l'organisation de la profession agricole et son institutionnalisation visant la création un secteur associatif autonome, capable de concilier l'intérêt général et l'efficacité économique;
  • un changement d'attitude du secteur public vis à vis des acteurs de la société civile, substituant le dialogue et la collaboration aux méthodes dirigistes;
  • une approche globale du développement qui intègre tous les facteurs (agro-écologiques, humains, économiques, temporels, etc.) commandant son succès ainsi que leurs interactions;
  • une gestion rationnelle des ressources financières et humaines basée sur l'évaluation continue des résultats et l'amélioration des performances.
La restructuration des institutions de développement rural est envisagée suivant trois axes interdépendants:

  1. le premier, qui correspond aux activités exclusivement de service public relevant de l'Etat, conduit à la transformation des institutions publiques, avec les changements nécessaires au niveau des hommes et des mentalités;
  2. le second, qui correspond aux activités commerciales ou de productions incombant au secteur privé, conduit à la privatisation de celles d'entre elles qui sont encore menées par des institutions publiques et nécessite une préparation des hommes pour leur permettre d'affronter les marchés et faire preuve de dynamisme;
  3. le troisième, qui fait appel à une collaboration entre acteurs du secteur public et de la société civile avec une forte participation des agriculteurs, conduit à créer des institutions de types nouveaux permettant d'une part, la représentation des agriculteurs et d'autre part, la constitution d'un cadre de dialogue et de concertation entre les partenaires publics, privés et de la profession agricole.

Des précautions importantes sont à considérer au cours de la restructuration:

  • en ce qui concerne la production agricole, elle doit à tout prix éviter la rupture ou la détérioration de la fourniture des biens et services de production aux agriculteurs et pour cela elle doit assurer une privatisation dont les formes et le rythme permettent de mieux répondre aux besoins des agriculteurs et font appel à leur participation;
  • en ce qui concerne le personnel devant quitter les institutions publiques, des précautions sont à prendre par rapport à deux écueils, pour éviter: d'une part, la création de problèmes sociaux par des "licenciements secs" et d'autre part, la déperdition d'un potentiel humain ayant bénéficié de formation;
  • pour les institutions publiques, le risque serait de considérer que la restructuration s'arrête à la mise en place de nouveaux services. Elle n'aura atteint son but que lorsqu'elle aura permis de changer les mentalités des hommes, introduit de façon irréversible des comportements et des méthodes de gestion qui favorisent l'amélioration continue des ressources humaines et l'adaptation constante des structures aux besoins du développement.

3. Méthodologie de la restructuration des institutions publiques

Le processus de restructuration se décompose en trois grandes étapes:

  • l'étape d'analyses institutionnelles de base et d'élaboration du schéma directeur;
  • l'étape de préparation du plan détaillé de restructuration;
  • l'étape de mise en oeuvre de la restructuration.

Sans être considérée comme une étape proprement dite du processus, une évaluation des effets de la restructuration sur le développement est à envisager après deux à trois ans de son exécution, pour apporter les compléments et correctifs nécessaires.

A. Analyse institutionnelle et élaboration du schéma directeur de restructuration

Cette première étape consiste à effectuer les analyses de base permettant de dégager les éléments nécessaires à l'élaboration des propositions de restructuration; puis à élaborer les axes et la proposition de schéma directeur de restructuration soumis à la discussion de tous les acteurs concernés, pour décider des choix à retenir en matière de restructuration.

Les analyses à effectuer, portent essentiellement sur:

  • les activités des institutions publiques agricoles afin d'identifier, en référence au nouveau rôle de l'Etat, celles de service public qui doivent continuer à être assurées par les institutions restructurées et celles devant être transférées au secteur privé;
  • les aspects institutionnels des services publics agricoles existants, en termes d'organisation, de relations internes et externes, de processus décisionnel et de suivi de l'exécution, d'affectation et de gestion des ressources humaines, matérielles et financières, etc. et d'évaluation de leurs capacités techniques;

    Les performances des institutions sont en grande partie déterminées par les compétences de leurs ressources humaines et la manière dont elles sont réparties et utilisées. Une importance particulière est accordée à la connaissance de la ressource humaine, à son évaluation constante en vue de son amélioration et de son adéquation continue aux besoins et à sa gestion qui doit lui créer des conditions favorables de travail.

    La banque de données sur la ressource humaine concerne à cette occasion les comparaisons automatiques révélant les écarts quantitatifs et qualitatifs entre le personnel existant et les besoins des services restructurés établis sur la base de la description des postes et des profils des personnels correspondants. Elle permet ainsi de mesurer ces écarts et de les corriger par des mesures appropriées à prendre sous formes de redéploiement, de formation, de départs et de reconversion et dans certains cas de recrutements.

  • l'appréciation par les agriculteurs, des services qui leurs sont fournis par les institutions publiques et de la nature des rapports qu'ils souhaitent avoir avec elles ainsi que la connaissance de leurs besoins et de leurs attentes en termes d'appui au développement.

Les propositions de restructuration sont conçues pour répondre avant tout, aux besoins des exploitations agricoles considérés à une échelle micro-économique qui prend en compte leur diversité et celle de leur environnement agro-écologique et socio-économique le plus proche. Elles sont resituées ensuite dans un cadre macro-économique plus large assurant leur intégration harmonieuse à l'ensemble régional et international.

Une fois élaborées, ces propositions font l'objet de larges présentations et discussions à tous les niveaux avant d'être soumises aux Autorités qui, après concertation avec leurs partenaires au développement, décident des choix définitifs à en retenir. L'action d'information de tous les acteurs concernés, agriculteurs, fonctionnaires, partenaires au développement, etc... et leur participation à la concertation est essentielle, dans la mesure où elle évite les risques de malentendus sur les objectifs et les intentions de la restructuration et permet d'obtenir leur adhésion, indispensable pour la mise en oeuvre.

L'organisation d'ensemble des services aux différents niveaux et une première estimation globale de son incidence sont présentés sous forme de schéma directeur de restructuration. Celui-ci est destiné aux Autorités du pays pour leur permettre de fixer leurs choix après concertation avec leurs partenaires.

B. Préparation du plan détaillé de restructuration

Le plan détaillé de restructuration est préparé sur la base des choix décidés par les Autorités du pays, après une large concertation avec les acteurs concernés et leurs partenaires au développement sur le schéma directeur proposé. Il comporte:

  1. Le rappel du rôle de l'Etat et la présentation d'ensemble du dispositif institutionnel indiquant le positionnement des différents acteurs du développement agricole;

  2. Le détail d'organisation des structures aux différents niveaux, le statut juridique et les mécanismes de financement des institutions issues de la restructuration.

  3. Les principes d'organisation du travail et les types de relations internes et externes, dans un esprit de décentralisation des responsabilités et de participation des agriculteurs au processus décisionnel.

  4. Les attributions des services et la description détaillée de tous les profils des postes à tous les niveaux, sous forme de fiches standardisées décrivant les principales activités de chaque poste et indiquant les qualités et expériences nécessaires pour leur réalisation.

  5. L'évaluation quantitative et la composition qualitative ainsi que la répartition géographique et par service du personnel nécessaire.

  6. Les grandes lignes du plan de formation du personnel des institutions restructurées et les besoins en assistance technique pour la maîtrise des méthodologies nouvelles.

  7. L'évaluation des besoins en équipements complémentaires et des budgets correspondant à un fonctionnement efficace des services et à des conditions de travail motivantes pour le personnel. Cette évaluation est faite de façon déconcentrée, pour chaque centre de responsabilités.

  8. Les principaux circuits constituant le système d'information de gestion technique et administrative, (incluant les processus d'élaboration des décisions et le dispositif de programmation, de suivi et de contrôle de l'exécution des activités).

  9. Les règles de base de gestion rationnelle de la ressource humaine, permettant son adaptation constante aux exigences des postes, sa formation continue et l'amélioration de ses conditions de travail et de performances.

  10. Les implications humaines et financières de la restructuration.

    Ces implications sur la ressource humaine sont définies par comparaison des résultats des analyses et évaluations du personnel existant effectuées en première étape, avec les besoins en personnel évalués sur la base des profils de postes décrits en seconde étape.

    Aux plans des budgets et des équipements, les incidences sont également évaluées par comparaison des moyens existants avec les nouveaux besoins des services restructurés.

    En outre une évaluation du coût de la restructuration est fournie qui comporte:

    • le coût de reconversion du personnel devant quitter les institutions à leur restructuration.
    • le coût de mise en place et de renforcement des nouvelles structures.

  11. Le plan de mise en oeuvre, établi en dernier ressort, rassemble et met en cohérence l'ensemble des composantes de la restructuration, indique les conditions et mesures préalables à son entrée en application et présente le calendrier indicatif et les principales phases d'exécution des opérations de restructuration.

C. La mise en oeuvre de la restructuration

L'institution destinée à être restructurée ne peut évidemment pas être chargée de la mise en oeuvre de sa propre restructuration. Les autres institutions publiques qui ont elles-mêmes besoin d'être restructurées ne sont pas plus indiquées pour mener à bien une telle opération. Il est alors nécessaire d'envisager la mise sur pied d'instances et d'organes ad hoc pouvant assurer l'exécution de la restructuration, en échappant aux lenteurs des procédures administratives et aux influences non justifiées. Le dispositif à mettre en place serait composé d'une instance politique et d'organes techniques ad hoc.

L'instance politique a pour rôle de définir les orientations aux différentes phases de la mise en oeuvre de la restructuration, de suivre son avancement et de prendre les décisions importantes en particulier sur le devenir des personnels et sur la destination du patrimoine public lié aux activités à privatiser.

Cette instance peut avoir la forme d'un comité national de restructuration comprenant des représentants des ministères concernés par les prises de décision relatives à la restructuration, des représentants du personnel des institutions à restructurer et des représentants de la profession agricole. Ce comité se réunit périodiquement sur la base des dossiers, rapports et propositions de mesures préparés par les organes techniques d'exécution de la restructuration.

Les organes techniques d'exécution ont pour rôle d'informer l'instance politique du déroulement de la restructuration, de lui préparer les éléments de prises de décisions et de veiller à leur application par les acteurs concernés. Ces organes sont constitués d'une cellule centrale et de cellules régionales d'exécution, dotées des capacités nécessaires à une application décentralisée de la restructuration et à une résolution, au niveau local d'abord, des problèmes qu'elle entraîne, en particulier pour le personnel.

Chaque cellule est organisée en deux bureaux:

  • le bureau chargé des ressources humaines;
  • le bureau chargé du transfert et de la privatisation des activités
La mise en œuvre de la restructuration nécessite deux sortes d'appuis:

  • un apport financier pour faire face aux dépenses impliquées par la restructuration;
  • un appui technique d'équipement et de conseil pour la mise en place de la nouvelle organisation.

4. Les mesures d'accompagnement La restructuration, telle qu'envisagée, ne peut assurer à elle seule le développement agricole. Son efficacité dépend de mesures complémentaires à prendre par ailleurs, visant, suivant les mêmes principes, à transformer le cadre juridique et institutionnel d'ensemble et l'environnement économique pour le rendre plus favorable au développement agricole. Parmi ces mesures qui doivent accompagner la restructuration, il importe de citer en particulier:

  • La réforme de la législation sur les organisations et associations professionnelles agricoles;
  • La mise en place d'un système de crédit agricole capable de mobiliser l'épargne rurale, géré par les agriculteurs et répondant aux besoins des différentes catégories qui les composent;
  • La restructuration de la recherche agronomique pour prendre en compte les problèmes des producteurs et jouer un rôle direct et plus effectif dans le développement;
  • La réforme de l'enseignement et de la formation agricoles qui doivent adapter continuellement les contenus de leurs programmes et les formules et méthodes de formation à la diversité et à l'évolution des besoins en cadres du développement rural;
  • La généralisation de la restructuration à l'ensemble des institutions publiques et la réforme des règles de la fonction publique et de celles d'élaboration et d'exécution des budgets.

  1. Par exemple la FAO est intervenue en collaboration avec d'autres organisations internationales comme la Banque mondiale, dans les pays suivants: Bénin, Côte d'Ivoire, Togo, Burkina Faso, Soudan, Sénégal, Haïti, Cambodge, Tchad….

    >