Le Capital Social, Les Institutions Communautaires Traditionnelles, Et Les Processus de Décentralisation
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Questions dans la Conception de Programmes
L'auteur: Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture
Le contact: Jean Bonnal


Etablir des Liens entre Le Capital Social, Les Institutions Communautaires Traditionnelles, Et Les Processus de Décentralisation

Questions Principales

La décentralisation n'est une politique nouvelle pour les décideurs, mais qui a lieu maintenant dans un contexte différent, probablement plus favorable sur le plan politique. Toutefois, les politiques de décentralisation en cours dans de nombreux pays en développment sont conçues d'une part, sous la contrainte des conditions imposées par des donateurs multilatéraux ou bilatéraux, et d'autre part, pour résoudre les problémes politiques liés à la gesition de ressources nationales et à la redistribution de celles-ci, ou bien en vue d'accroître la participation populaire dans la gestion des interventions de développement ou des affaires locales (FAO, 1997). Dans le pire des cas, les objectifs de la décentralisation n'ont pas été atteints à cause de la récupération de celle-ci par les élites locales ou le ralliement par ces derniers, des personnes à qui on a dévolu des pouvoirs dans le cadre de la décentralisation — mais les causes de l'échec de la décentralisation sont multiples et complexes.

Les tentatives passées de décentraliser n'ont pas pris en considération le rôle crucial des institutions locales. Selon Norman Uphoff, "pour le développement rural, il est important de tenir compte de la capacité des institutions locales, pas comme un alternatif, mais plut6t comme un complément des institutions nationales". (...) "Les décisions locales pouvaient être meilleures si les pouvoirs locaux adoptaient une vue d'esemble, tout comme les décisions au niveau central pouvaient être meilleures si les autorités centrales prenaient en considération les réalités locales (1997, 11). Au fur et à mesure que la décentralisation s'effectue, la notion analytique très abstraite de "capital social" pourrat devenir utile à la fois aux communautés rurales et aux décideurs : il peut servir d'impulsion vers un développement qui donne aux institutions locales la place qui leur revient. Toutefois, pour que les décideurs prennent des décisions en connaissance de cause, ils doivent savoir d'abord ce que sont ces institutions, comment elles fonctionnent, qui s'en servent, etc. Les connaissances locales sont incarnées dans les institutions traditionnelles des communités: ne devrait-on pas les évaluer et les intégrer dans les processus différents de décentralisation?

Les institutions traditionnelles des communautés ne sont pas toujours perçues par les gens venant de l'extérieur, à moins que des représantants de telles institutions ne soient déjà intégrés dans les structures de l'administration locale, et que leurs positions héréditaires ne soient reconnues officiellement. Les institutions coutumières ou traditionnelles des communautés signifient dans ce cas, une variété de structures de pouvoir (ou dimensions d'autorité), des autorités informelles ou formelles, visibles et moins visibles, légal ou rationnel, des individus ayant le don de plaire ou de s'imposer, autorité politique, religieuse, structurelle et fonctionnelle, générale et spécifique, (par exemple, leadership des femmes et de la jeunesse, etc.). Etant donné cette diversité d'autorité, l'on devrait tenir compte plus particulièrement des dimensions de leadership existants dans les communautés rurales, qu'on pourrait concevoir comme coutumier au sens fonctionnel. Les institutions traditionnelles des communautés sont basées, en grande partie, sur des rapports personnels, dans des contextes sociaux plutôt que administratifs, et qu'on pourrait distinguer de ceux se trouvant dans le cadre des structures de l'Etat-nation, (Messer, 1998).

La gestion de ressources naturelles (GRN) aussi doit être intégrée dans l'environnment institutionnel local, pour que cela serve de base à l'avenir pour de vraies initiatives communautaires de developpement local. L'aspect divers de la gestion de ressources naturelles est demontré par l'adoption croissante des projets denommés 'gestion des terroirs', au-delà de la priorité initiale accordée au contrôle de l'érosion/désertification, afin d'exploiter le capital social en faisant participer la commuauté locale. Les travailleurs sur le terrain impliqués dans de tels projets estiment toutefois, qu'il y a une certaine ambiguïté dans les objectifs de la méthode 'gestion des terroirs' et dans ceux du 'développement local'. On veut dire par 'développement local', le fait de soutenir et renforcer les partenaires nouveaux des aires territoriales, pour qu'ils puissent se mobiliser et gérer toutes leurs ressources (naturelles, financières, humaines...), et en vue de satisfaire leurs besoins face à l'extérieur (Groupe Gestion des Terroirs, 1992).

Mais il faut clairement déterminer les limites d'une aire territoriale pour les besoins de la gestion des terroirs. "Du point de vue géographique, on peut toujours concevoir le village comme une aire territoriale, ce qui n'est absolument pas le cas au sens sociologique. Au sens sociologique, la notion d'"aire territoriale" n'a de sens que par rapport à un quartier (hameau). Le quartier constitué de gens ayant des rapport de parenté, la seule unité sociale donnant lieu à la solidarité sociale (et au capital social), n'est pas reconnu par l'administration. Pour l'administration, le village est l'unité sociale de base, encore que le seul lien existant entre les différents quartiers du village soit basé sur le fait d'avoir un chef en commun et, sociologiquement, sur les mariages intercommunautaires (FAO, 1993 : 106-107). En plus d'être un espace naturel (qui peut être caractérisé à travers des données agro-écologiques), une aire territoriale est un produit social.

Dans les zones rurales, les politiques de décentralisation interviennent dans des domaines politiques où il y a déjà eu de nombreuses interventions de développement. Les initiatives de développement utilisant la communauté rurale comme point de départ, doit au préalable procéder à une analyse détailee de la collectivité locale et de la structure sociale, pour que les bienfaits de l'intervention soient plus que négligeables pour ceux qui sont exclus d'ordinaire. Dans certains cas, la participation des institutions communautaires traditionnelles pourrait se faire au dépens d'une participation plus générale (impliquant toute la communuté, y compris les gens des couches sociales basses). Pourtant, dans les situations où leur participation est au fait souhaitable, comment les impliquer dans les projets concernés? Quel savoir-faire ou niveau d'organisation apporteraient-ils à ces initiatives?

Domaines problématiques ou Manque d'Information et de Connaissances

Là où on a tenu compte des institutions locales, et qu'il y a eu une certaine coordination entre les institutions centrales et locales, formelles et informelles, il se peut que cela ait été fait au dépens d'une participation populaire plus large. Que la coordination ait été faite exprès par les concepteurs de l'initiative en cause, ou qu'elle ait été simplement une adaptation à la réalité locale, elle n'est pas en général précédée d'une analyse sociologique suffisante (cela prend du temps). De façon idéale, une telle coordination nécessite qu'on trouve un moyen de d'organisation et de communication opérationnelle et soutenable, entre ceux qui sont impliqués dans les processus de décentralisation. Bien qu'elles soient toujours en phase embryonnaire, les approches du type 'gestion des terroirs' sont une manière de suppléer les faiblesses des approches traditionnelles de la conservation de ressources naturelles. L'expérience du Burkina Faso démontre cela et justifie notre optimisme modéré (voir par exemple, les deux références sur la gestion des terroirs dans la bibliographie ci-dessous).

Pour assurer une plus grande participation des groupes marginalisés, les décideurs doivent prendre en considération les niveaux divers de cohésion sociale, de capital social, de capital institutionnel, et de la capacité d'exécution, et s'organiser de manière à pouvoir répondre promptement, avec des moyens suffisants, aux besoins et aux occasions locaux. En ce qui concerne les pouvoirs locaux, la préférence pour les grandes villes est demontrée par la priorité accordée aux grandes villes dans les attributions de pouvoir des administrations locales. Le dictionnaire "Webster's Third New International" définit la municipalité comme "essentiellement une unité politique urbaine, personne morale, dotée d'une autonomie d'administration." Jusqu'à maintenant, les initiatives des administrations locales ont été déterminées par les multiples problémes des grandes villes, lesquels problèmes relèvent en grande partie de leurs compétences. Néamoins, les problèmes des grandes villes sont d'ordinaire très différents des problèmes que ces administrations doivent résoudre dans les zones moins peuplées que sont les zones rurales (Messer, 1997). Etant donné que la restructuration des institutions formelles ne serait probablement pas un processus rapide, sans obstacles, sans incidences négatives, ou simple, l'on devrait à court terme, accorder la priorité au renforcement des institutions informelles locales, surtout dans les zones rurales, victimes de conflits civils, avec un capital social en diminution.

Pour les besoins de la gestion de ressources naturelles, les systèmes de propriété en commun sont presque toujours strictement gouvernés par des règles d'exlusion et d'inclusion. Le projet de recherches de la FAO sur les "Analyses comparatives des Structures traditionnelles dans les politiques et programmes de décentralisation", cherche à mettre en place un outil pratique de comparaison qui permettrait de déterminer quels arrangements institutionnels peuvent être repris dans d'autres contextes. Le projet de recherche entend dépasser les connaissances locales. Elle cherche à inclure tout autre capital social ou connaissances des conditions locales qui peuvent servir de base pour des programmes de développement rural participatifs. De telles connaissances des conditions locales peuvent être des arrangements institutionnels ou organisationnels, par exemple. Le projet de recherches comprend une série d'études de cas réalisées au Mali, au Mozambique et au Yemen. L'aspect prioritaire varie en fonction de la taille des ressources naturelles dans les moyens d'existence d'une localité quelconque.

L'objectif à long terme de l'ensemble de l'étude comparée de SDA/FAO, est de contribuer à l'augmentation de la rentabilité de la gestion locale, pour renforcer la durabilité de la gestion de ressources naturelles et des programmes de développement rural intégré, surtout en Afrique et au Proche-Orient. Il y a aussi des leçons à tirer des programmes en Asie et de la région du Pacifique.

Au moyen terme, l'objectif principal des études de cas sur les pays est d'avoir un aperçu empirique qui fournira des intrants pour le développement d'un produit normatif par la SDA, dont les composantes comprennent:

  1. des outils et directives pour promouvoir la participation des institutions traditionnelles des communautés dans les processus de décentralisation. Une question clé qui se poserait est de savoir dans quelles conditions les administrations et d'autres acteurs devraient essayer de se servir des institutions et organisations locales, ou de les renforcer, et quels seraient les moyens efficaces de le faire.
  2. méthodes pour identifier les occasions socio-économiques, politiques et culturelles pour développer un processus participatif, ou des conditions qui pourraient entraver un tel développement; aussi, les moyens par lesquels les initiatives de développement pourraient valoriser ces occasions pour accroître la participation équitable de les groupes concernés. Un tel objectif est basé sur la reconnainssance croissante que les rapports de pouvoir déterminent souvent les conditions pour la participation dans les interventions de développement.

L'objectif premier des études de cas est d'analyser le rôle des institutions locales dans la gestion de ressources naturelles dans le contexe des décentralisations en cours. Entre autres, l'étude porterait sur les questions suivantes: Qui sont les acteurs principaux dans la décentralisation et dans la gestion de ressources naturelles? Quelle est la portée des disparités? Quelles sont les règles du jeu? Quels sont les enjeus de la décentralisation et qui seront les gagnants et les perdants au niveau local?

Quel est le coût de l'ingérence du gouvernement central ou d'autres de l'extérieur? Est-ce qu'il y a un risque que la création de nouvelles positions de prestige dans l'administration locale qui avantagerait l'élite néo-traditionnelle, serait utilisée par ces derniers pour renforcer leur pouvoir au dépens du développement rural (comme par exemple, en Mauritanie, voir Abdoul, 1996), et/ou qui minera la durabilité et le fonctionnement des communautés locales en déformant les interactions sociales coutumières?

Hypothèses à Tester

  1. Le diminution des interventions de l'état dans les zones rurales conjugué à plusieurs échecs persistants du marché ont fait renaître et/ou renforcer le rôle de certaines institutions communautaires (chefs, sheikhs, conseils des anciens...).
  2. Jusqu'à présent on n'a pas obtenu les résultats escomptés de la décentralisation parce que les élites locales ont profité du processus pour s'imposer et accaparer les fonctions attribuées, une carence qui ne pourrait être palliée que si on trouve des moyens innovatifs pour intégrer correctement les institutions traditionnelles communautaires.
  3. Si les institutions traditionnelles des communautés sont bien intégrées dans les initiatives de développement rural, les avantages nets l'emporteraient sur les coûts nets, pourvu qu'on leur attribue un rôle adéquat, clairement défini et accepté par tous concernés.

Projets en cours qui essayent ces approches pour surmonter ces difficultés

J. Caldecott et A.B. Morakinyo (1996) parlent d'un projet de forêt communautaire (Projet CF Ekuri) dans lequel tout le monde, femmes, hommes, jeunes et âgés, participent et les "conflits potentiels entre les groupes d'intérêts différent sont réglés par des débats de villages, et les décisions finales sont rendues par les chefs de villages et leurs conseillers" (1996: 87). Ainsi, les groupements et structurés de pouvoirs traditionnels n'excluent pas forcément les groupes moins prestigieux, bien qu'on doive examiner soigneusement la qualité de leur participation avant de conclure que le projet a atteint pleinement son objectif de participation. Néamoins, le caractère décentralisé de tels projets de gestion de ressources naturelles, ont permis de surmonter quelques-uns des obstacles à la participation de la population, y compris la participation des groupes de jeunes. Essentiellement, la dévolution du pouvoir aux communautés propriétaires de forêts et une plus grande responsabilité pour le forestier de la communauté locale, ont entraîné une plus grande participation. La longue présence des animateurs dans le village, leurs interactions avec les villageois ont rendu ceux-ci plus confiants, et le forestier de la communauté peut devenir intermédiaire entre groupes.

PADLOS-Projet d'Appui au Développement Local au Sahel. Contact : Moustapha Yacouba, CILSS-Comité permanent de lutte contre la Sécheresse dans le Sahel, B.P. 7049, Ouagadougou, Burkina Faso, padlos@fasonet.bf

LISTE DE NOMS DES PERSONNES QUI FONT DES RECHERCHES ACTUELLEMENT SUR CES QUESTIONS

  • Chelbane Coulibaly, IMRAD-Institut malien de recherches appliquées au développement, Bamako, Mali.

  • APAD-Association euro-africaine Pour l'Anthropologie du Développement, Marseille, France, et Cotonou, Bénin.

  • Jesse C. Ribot, Centre pour les Etudes des Populations et le Développement, Harvard University, Ribot@hsph.edu

  • Norman Messer, Institutions rurales et Service de la Participation, FAO,
    Norman.Messer@fao.org

  • James T. Thompson, ARD, Associates in Rural Development, Burlington, Vermont, and Silver Spring, Maryland, USA

BIBILIOGRAPHIE SOMMAIRE DE DOCUMENTS PERTINENTS
DISPONIBLES SUR L'INTERNET

Abdoul, M., Les communes dans le processus démocratique: la quête difficile d'un pouvoir local effectif en Mauritanie," Africa Development, Vol. 21, No. 4, (1996), p. 75-92.

Caldecott, J., and A.B. Morakinyo, 1996, "Nigeria", in "La Décentralisation et la Conservation de la Biodiversité," E. Lutz et J. Caldecott (eds.), Banque mondiale, 1996.

FAO, 1993, "L'approche gestion des terroirs: ouvrage collectif," Documents de formation pour la planification agricole, Nol 32.

FAO, 1997. Relations de Processus de Décentralisation et Pouvoirs traditionnels: Typologie des Politiques Rencontrées, par N. Bako-Arifari. Décentralisation et Développement rural, 15, Rome (traduction anglaise en cours), disponible aussi sur l'internet au
http://www.fao.org/sd/ROdirect/ROan0014.htm

Groupe Gestion des Terroirs, 1992, "Gestion des terroirs": Problèmes identifiés par les opérateurs de terrains en Afrique et Madagascar", Réseau Recherche Développement, copie préliminaire, janvier.

Messer, N., 1997, La Décentralisation et la Sécurité alimentaire dans les zones rurales. Quelques rapports théoriques et empiriques", Réforme foncière, l'occupation des terres, et les coopératives, 1997, /1,Rome, FAO. Disponible aussi sur l'internet au

Des séminaires récents sur ces questions incluent:

"Colloque international Développement local et Gestion des Ressources naturelles" tenu à Douala, Cameroun, 10-13 novembre, 1998. Les articles et le compte rendu sont disponibles chez: Bernard Atamana Dabiré, FTPP/ASS-IPD/AC, BP 4078, Douala, Cameroun, tél.: (237) 40 65 89 / 40 37 70; fax : (237) 40 65 89 / 40 30 68 E-mail: ftppass@camnet.cm or ipd.ac@camnet.cm

"Séminaire international sur la Décentralisation et la Dévolution de la Gestion des Forêts en Asie et dans le Pacifique." Tenu à Davao, Philippines, du 30 novembre au 4 décembre 1998. Les articles et le compte rendu sont disponibles chez: Steffen Weidner, Bureau régional de la FAO: pour l'Asie et le Pacifique, Le Groupe Département Forêts, 39 Phra Atit Road, Bangkok, 10200, Thailand. Tel. (66-2) 281-7844 Ext.130. Fax: (66-2) 280 0445, E-mail: steffen.weidner@fao.org