Cadre juridique et réglementaire



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Questions dans la Conception de Programmes
Collaborateur: La Banque Mondiale
L'auteur: Decentralization Thematic Team
Le contact: Jennie Litvack

Cadre juridique et réglementaire

La constitution, les lois et les règlements codifient les règles du jeu selon lesquelles un système d’administration décentralisée devrait fonctionner. L’architecture souhaitable de cet ensemble de lois est très simple :

On utilise la Constitution pour établir les principes généraux qui doivent gouverner la décentralisation. Ceux-ci incluent : les droits et les responsabilités de tous les niveaux d’administration, la description et le rôle des institutions clés tant au niveau central qu’au niveau local, et les critères pour l’établissement de règles détaillées ou pour leur modification.

Une ou deux lois doivent définir les paramètres spécifiques des arrangements financiers interadministrations et les détails de la structure des institutions locales, les procédures (électorales…), la responsabilisation et la réparation des torts, et pour compléter chaque loi, une série de règlements décrivant et interprétant en détail les pratiques et les procédures selon lesquelles la loi sera appliquée. Les lois concernant la répartition des compétences entre l’administration centrale et administrations infranationales doivent inclure des sections sur les relations interadministrations.

On fournit davantage de détails en descendant cette architecture à triple niveaux (de la constitution aux règlements). Par contre, pour y apporter des modifications, il faut qu’il y ait plus d’entraves à mesure qu’on va vers le haut : l’approbation d’une autorité supérieure (ministre, Parlement, Assemblée constituante…).

Ces difficultés croissantes et la nécessite de l’accord d’une autorité supérieure pour apporter toute modification aux lois et aux règlements sont importantes pour donner plus de clarté aux aspects divers de la décentralisation. La souplesse et les entraves intégrées à cette structure sont très importantes pour le bon fonctionnement d’un système décentralisé.

Il est possible d’arriver à un consensus sur certaines dispositions du cadre juridique et réglementaire sans problème, mais souvent, l’inclusion d’un élément est le résultat de négociations ardues entre divers intérêts concernés. Ceux qui ont le souci de la stabilisation macro-économique par exemple, pourraient préférer que les règles sur les finances interadministrations relèvent du ressort du ministre des Finances pour donner plus de flexibilité à son ministère dans la gestion des dépenses publiques. De l’autre côté, les partisans des administrations locales peuvent soutenir, comme ils l’ont fait avec succès au Brésil, que ces règles sur la répartition des ressources financières soient inscrites dans la Constitution. En Ouganda, les objectifs et les mécanismes de transferts sont spécifiés dans la Constitution et ils sont accompagnés d’une formule pour la détermination de la taille minimum des fonds communs qui servent de source pour l’allocation des subventions destinées à couvrir des dépenses diverses; les détails de la formule sont spécifiés par des règlements.

Comme la décentralisation est une expérience sociale complexe on pourrait soutenir avec raison que les dispositions d’application soient souples, alors que les principes politiques et les principes généraux doivent être fixés par la loi organique (la Constitution), les structures relatives au fonctionnement de la décentralisation elles, devant faire l’objet des lois ordinaires.

Les lois de procédure d’un pays comme le fond du droit mentionné ci-haut, peuvent avoir un grand impact sur les efforts de décentralisation. Par exemple, quand il faut qu’une autorité centrale vérifie à l’avance les dépenses d’une administration locale, ceci entraîne des rigidités qui rendent difficile l’obtention des fruits de la décentralisation. Quand on élabore un cadre juridique pour la décentralisation, il ne suffit pas d’établir des lois portant spécifiquement sur la décentralisation; le cadre juridique doit également porter sur la prestation de services, la fonction publique, les budgets et ainsi de suite, afin d’aboutir à une approche globale.

La façon dont on aborde les questions clés du cadre juridique et réglementaire sera selon qu’il s’agit d’un Etat fédéral ou d’un Etat unitaire. Dans certains systèmes fédéraux, l’Inde et le Canada par exemple, les administrations locales sont complètement sous l’autorité des administrations régionales ou provinciales. Dans ces situations, les administrations fédérales sont limitées dans les rapports qu’elles peuvent établir avec les administrations locales. Pour influencer la conduite de la politique locale, elles sont obligées de le faire par l’entremise des niveaux provinciaux ou régionaux.

Dans quelques systèmes unitaires l’administration centrale exerce un contrôle poussé sur les administrations locales. En Indonésie le Ministère des Affaires Intérieures peut nommer ou limoger les maires et même les chefs de village. Dans ce contexte les obstacles structurels dans l’élaboration d’un système décentralisé sont peu nombreux mais cela ne veut pas dire autant que le processus d’instauration d’un tel système soit sans obstacles critiques. L’Indonésie a codifié son système de décentralisation depuis 1974 mais le processus y demeure incomplet .

Comme pour d’autres aspects de la décentralisation, la conception du cadre juridique et réglementaire sera fonction des conditions spécifiques d’un pays. Cela étant, un cadre juridique et réglementaire doit tenir compte d’un certain nombre de questions dans chaque cas. Il y a parmi ces questions quelques-unes qui peuvent intéresser la Banque dans son travail et elles incluent : la classification des administrations locales au sein des niveaux établis dans la Constitution, la structure générale des organisations, leurs rôles et responsabilités, la durée des mandats des politiciens, les pouvoirs qui leur sont conférés, le degré d’autonomie des administrations locales (y compris leur politique sur les ressources humaines), la gestion de budgets, la comptabilité, la révision des comptes, les compétences fiscales, les pouvoirs d’emprunt, les critères pour l’établissement des rapports; les compétences des pouvoirs locaux dans le domaine des prestations de services, et les mécanismes pour assurer la représentation et la participation des citoyens.

La conception du cadre juridique et réglementaire doit tenir compte aussi des différences dans la capacité de gestion. La répartition de responsabilités fonctionnelles - par exemple, capitale provinciale, centre de croissance, etc. est souvent une reconnaissance implicite de degrés divers de capacité des municipalités, mais un cadre juridique dynamique, qui reconnaîtrait la capacité seulement après une bonne prestation des entités locales pendant des années, serait plus souhaitable. Accorder un degré d’autonomie et de privilèges en fonction d’un ensemble d’indicateurs de performance - dépenses totales, autonomie financier (proportion de revenus propres par rapport au total des revenus), le niveau de performance dans la gestion du budget (absence de déficits...), niveau de prestation de services (indiqué par des enquêtes auprès des clients) - pourrait permettre le rajustement du cadre juridique et réglementaire pour refléter l’évolution dans la capacité locale. Les délais pour l’évaluation de la capacité et les rajustements corrélatifs dépendront des circonstances particulières de chaque pays et du cadre général de la décentralisation.

Quelques questions (parmi beaucoup d’autres) méritent d’être signalées ici en raison des risques qui se présentent à mesure qu’on descend l’échelle des administrations :

Primo, dans plusieurs pays les administrations du même niveau peuvent différer largement dans leur capacité. La Cisjordanie et la Bande de Gaza par exemple, ont des municipalités qui varient dans leurs populations (d’à peu près dix mille à plus d’un million) avec des capacités de gestion correspondantes. La différence dans les moyens financiers pourrait être prise en considération dans la composante équité des arrangements financiers interadministrations. On tient compte rarement des différences énormes dans la capacité de gestion. Il est utile que le cadre juridique et réglementaire reconnaisse les différences importantes de capacité en gestion en classifiant les administrations locales au sein du de même niveau. On pourrait alors élaborer des politiques et des stratégies pour trouver des solutions aux problèmes que posent ces différences.

Secundo, les administrations locales doivent pouvoir contracter des emprunts quand elles ont la capacité de rembourser. Toutefois, pour éviter les risques discutés plus amplement dans la section sur les emprunts publics, on devrait faire le maximum possible pour promouvoir l’idée que les emprunts contractés par les administrations locales sont la responsabilité de celles-ci et pas celle d’un niveau supérieur sauf indication contraire. L’importance de ces précisions et les problèmes en la matière sont illustrés par les circonstances de la dette des niveaux infranationaux au Brésil. Le cadre juridique et réglementaire peut renforcer ce message en spécifiant les conditions dans lesquelles les administrations locales peuvent contracter des emprunts, le plafond de ces emprunts, les normes pour l’établissements des rapports sur la dette et le service de la dette et les sanctions pour la violation des règles portant sur les emprunts.

Tertio, les lois sur l’administration locale n’ont pas toujours prévu toutes les options possibles (y compris la participation du secteur privé et la concurrence dirigée) pour la prestation de service publics locaux. En d’autres termes, les lois peuvent être inutilement contraignantes, empêchant dans certains cas le choix d’options souhaitables pour la prestation de services décentralisés. Les villes chinoises ont fait preuve d’imagination et ont innoveé en fournissant des services qui n’étaient pas prévus dans le cadre juridique et réglementaire qui régit leurs activités., même dans ces circonstances il est souhaitable de rationaliser le système. Il faut éliminer, dans l’élaboration du cadre juridique et réglementaire pour la décentralisation, les entraves qui portent préjudice au système.

Quarto, dans l’élaboration des systèmes décentralisés, la démocratie basée sur des élections impartiales, est considérée comme une condition suffisante pour assurer la participation et la représentation des citoyens dans la conduite des affaires de l’Etat. Mais dans la pratique cela peut ne pas être suffisant. La participation réelle nécessite que les citoyens soient informés et que leur voix ait un impact sur les questions ayant des conséquences immédiates pour eux. Le système juridique/réglementaire doit spécifier au minimum les procédures pour une information complète en temps voulu et facilement accessible sur les décisions relatives aux allocations de ressources, sur la passation des marchés et sur les programmes de dépenses. Il serait encore plus souhaitable de mettre l’accent sur le rendement et les résultats en matière de gestion de dépenses. L’Ouganda s’apprête à élaborer et à publier un système de budgets facilement accessible pour tous les niveaux d’administration comme partie intégrante d’un programme de réforme sur la gestion de dépenses et qui met l’accent sur les rendements et les résultats. En plus, les citoyens devraient avoir un accès systématique aux moyens de faire appliquer les sanctions appropriées pour la violation des règles.

Cinquièmement, la durée des mandats des pouvoirs locaux est étroitement liée aux questions de compétences et de responsabilisation. Les maires doivent être incités à se concentrer sur, au minimum, le moyen terme au lieu de se concentrer sur le court terme. Ceci demande un mandat ou des mandats potentiels d’une durée assez longue qui permettent l’accomplissement d’objectifs importants. Au Mexique par exemple, on pense que les mandats non renouvelables de trois ans ont mené les pouvoirs locaux à se concentrer sur le court terme dans leur stratégie d’administration. Dans la pratique là où l’on permet des mandats renouvelables, des mandats de trois à quatre ans sont souhaitables. Pour les contextes où un seul mandat est permis, des mandats de cinq à six ans seraient appropriés. L’élaboration détaillée de compétences, de systèmes et procédures de responsabilisation doit être fonction de circonstances locales (traditions culturelles, état des systèmes de comptabilité et de révision...). D’autres questions à considérer aussi incluent : l’équilibre nécessaire à établir entre les préférences pour un leadership dynamique et les préférences pour les libertés publiques (les précautions dont la communauté doit s’entourer pour se protéger des abus de pouvoir). Le choix fait dépend du goût politique qui à son tour, est fonction de l’histoire du pays.

L’écart entre les règles formelles et la pratique réelle observée dans plusieurs pays doit nous rendre prudent au sujet de la conception et de l’application des systèmes juridiques et réglementaires. L’ambiguïté et la complexité créent des possibilités d’interprétations contradictoires et de confusion. Il est essentiel d’avoir une seule source d’interprétation généralement acceptable par tous. Comme partie intégrante d’une stratégie de décentralisation, il est nécessaire de préparer et de disséminer une version populaire du système juridique et réglementaire comme on l’a fait en Ouganda. La complexité est souvent inévitable surtout au niveau d’instruments d’application, cependant il serait utile si l’on n’inclue pas trop d’éléments dans un seul instrument. Cela facilite la communication et l’application de la politique que l’instrument soutient ainsi que le contrôle de l’efficacité