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Questions dans la Conception de Programmes

Collaborateur: La Banque Mondiale
L'auteur: Decentralization Thematic Team
Le contact: Jennie Litvack

Participation et Décentralisation

Il y a un rapport symbiotique entre la participation et la décentralisation. D'un côté, pour éxecuter un projet de décentralisation il faut qu'il y ait une certaine mesure de participation locale. Les administrations infranationales étant plus près des administrés, elles sont censées pouvoir mieux répondre aux besoins locaux et pouvoir adapter efficacement les dépenses publiques aux besoins privés. Mais cela n'est possible que s'il existe un flux d'informations entre les citoyens et les administrations locales. D'autre part, le processus de décentralisation en soi peut augmenter la participation des citoyens dans la gestion des affaires publiques en mettant le pouvoir et les ressources à un niveau de gouvernement plus proche d'eux, plus familier et plus influençable par eux. Dans les pays où traditionnellement le taux de participation des administrés est faible, la décentralisation peut être un premier pas important vers des interactions régulières entre citoyens et l'Etat.

Les rapports de symbiose entre la décentralisation et la participation donnent lieu quelque peu à des directives contradictoires sur la politique à mener. On peut considérer les mécanismes pour la participation des citoyens comme une condition préalable et souhaitable pour déterminer si un projet de décentralisation est susceptible de réussir ou pas. Par conséquent, la conception d'un projet de décentralisation doit tenir compte des possibilités et des limites des moyens de participation locale existants. D'autre part, l'on pourrait considérer le manque de mécanismes de participation comme une incitation à la décentralisation qui peut pousser les gens à demander davantage de moyens de participation pour exprimer les préférences locales. La présente note discute de la participation comme un moyen pour une décentralisation réussie et comme une fin en soi

La première section étudiera les mécanismes généraux pour la participation des citoyens que l'on considère comme les meilleurs paramètres pour une politique de décentralisation. Ce type de structures institutionnelles intégrées dans l'environnement politique national et développées au cours de longues années, ne peuvent pas être modifiées facilement par de simples règlements. La deuxième partie discutera des moyens d'une portée plus limitée et plus spécifiques pour la participation des citoyens et qui peuvent se créer à mesure que la décentralisation s'effectue. Ces changements croissants peuvent devenir des occasions pour une participation plus large des citoyens et partant, pour la réalisation d'un système de gouvernement démocratique

La participation comme condition préalable : influence générale sur le pouvoir de décision

Les moyens institutionnalisés existants pour la participation, et la capacité des gens de s'en servir sont deux facteurs dont il faut tenir compte dans la conception de programmes de décentralisation pour les pays en développement. Des élections locales régulières et impartiales ainsi qu'un niveau élevé de capital social (la cohésion de la communauté et une tradition de collaboration...) permettent aux citoyens de manifester clairement leurs préférences et de pousser les pouvoirs publics à respecter leur volonté.

Des études diverses ont démontré qu'une surveillance générale et continue des dirigeants par les citoyens peut améliorer la qualité de l'action gouvernementale. S'ils étaient obligés de lutter continuellement pour rester au pouvoir cela pourrait motiver les dirigeants à satisfaire les besoins de leurs administrés dans tous les domaines. Des études sur la Colombie par exemple, démontrent que les dirigeants qui ont peur de perdre leur situation sont plus susceptibles de s'entourer d'un personnel qualifié pour faire le travail quotidien d'administration. Les recherches de Robert Putnam sur les administrations régionales en Italie (Putnam, 1993) trouvent que les administrations qui étaient plus ouvertes aux pressions des administrés géraient mieux leurs ressources et créaient des programmes innovateurs pour une fourniture efficace des services. Une étude plus récente en Tanzanie démontre qu'il y a une liaison positive entre la qualité des écoles locales et le niveau du capital social dans les différents villages et aussi une forte corrélation entre le bien-être économique et les niveaux élevés de capital social. Une autre étude sur les administrations locales (Mexique) indique que la longue tradition de participation dans la province d'Oaxaca pourrait être à l'origine des meilleures prestations de services que celles de Chiapas qui a des conditions socio-économiques similaires mais où le taux de participation est plus faible. Plusieurs études sur la décentralisation et la taille des gouvernements avance l'hypothèse que les administrations locales dont les citoyens participent davantage aux affaires de la collectivité ont tendance à être plus grandes parce que les citoyens mettent plus de ressources à leur disposition.

Dans certains cas cependant, la participation générale peut-être paralysante. Les échéances électorales locales peuvent mener à l'indiscipline financière quand les politiciens locaux essayent de se faire élire. Les données sur les institutions et la responsabilité financière en Amérique Latine indiquent que les gouvernements à deux partis qui ont des processus budgétaires hiérarchisés ont tendance à dépenser moins que les gouvernements à plusieurs partis qui ont des processus budgétaires collégiaux et participatives.

Pour procéder à l'élaboration de la politique de décentralisation, il est nécessaire d'évaluer combien la participation des citoyens pourrait entraver l'action gouvernementale locale. Ces conditions initiales déterminent dans quelle mesure la décentralisation mènera à un gouvernement plus sensible aux besoins des citoyens et fourniront des idées sur les mécanismes qui favorisent l'augmentation de la participation et qu'il faut inclure dans la politique de décentralisation.

Des élections à échéances régulières, référendums locaux, des conseils permanents public-privé et d'autres structures institutionnelles sont des conditions facilement identifiables qui pourraient renforcer la capacité des administrations locales d'identifier et de satisfaire les préférences des administrés. Le niveau de capital social (qui détermine la capacité des citoyens de se servir des arrangements institutionnels pour la participation) est plus lent à se développer et à évaluer. Les activités des organisations non gouvernementales (ONG) et d'autres groupement de citoyens peuvent être une indication de la participation mais il est important de se demander qui ils représentent vraiment. Les disparités entre ceux qui sont représentés par les ONG et ceux qui demeurent à l'écart du système peuvent mener à la "récupération" d'une administration locale par une élite et empêcher l'utilisation efficace des dépenses publiques pour satisfaire les besoins des citoyens.

La Participation comme objectif : les réformes initiales plus réalisables

La participation est un soutien à la décentralisation pour apporter une amélioration aux prestations de services, mais il n'est pas forcément nécessaire d'avoir la participation générale des citoyens qu'on a mentionnée ci-dessus. Dans les situations où les administrations locales ne sont pas élues, où le processus électoral est dominé par une élite et où un capital social faible réduit des interactions dynamiques entre citoyens et l'Etat, le processus de décentralisation peut être conçu pour permettre le développement de certains types de participation limitée. Souvent des mécanismes spécifiques pour accroître le flux d'informations entre citoyens et administrations peuvent être mis en oeuvre plus facilement au niveau local qu'au niveau central. Les projets répondant à des besoins spécifiques sont l'un des moyens qu'utilise la Banque pour développer le processus de décentralisation.

Les administrations locales utilisent une grande variété de techniques pour recueillir des renseignements auprès de leurs citoyens. Ils utilisent des enquêtes pour améliorer leurs prestations de services et pour la tarification des services. Par exemple, une enquête auprès des usagers d'un service d'approvisionnement en eau à Baku, Azerbaijan a révélé que les usagers ont la volonté de payer plus pour un meilleur service et ont indiqué les problèmes majeurs qu'il faut résoudre. Bangalore et plusieurs autres Etats indiens utilisent des bulletins d'évaluation pour coter les prestations de service. L'Ouganda exige maintenant des informations sur l'opinion des bénéficiaires sur certaines prestations gouvernementales et le Nicaragua a utilisé une série d'enquêtes pour réformer l'exploitation de son réseau d'autocars et pour rajuster les tarifs. Des conseils ad hoc peuvent être un moyen facile et rapide de déterminer les préférences des citoyens et d'utiliser l'expertise disponible dans le secteur privé. Les municipalités en Colombie par exemple, renforce leur capacité technique faible en contractant les services d'experts privés pour de brèves périodes. Inviter les citoyens à participer dans la mise en oeuvre des programmes de décentralisation peut être économique aussi. Des programmes bénéficiant d'un concours financier de la Banque mondiale ont démontré que malgré les coûts élevés au départ pour la formation, les économies réalisées à long terme peuvent être substantielles et les projets sont mieux entretenus. Le programme de développement municipal au Nicaragua par exemple, qui a utilisé la participation des bénéficiaires pour améliorer des barrios a complété les projets 20% plus rapidement que prévu et obtenu un taux de rentabilité 50% plus que l'on escomptait.

A long terme, ces mécanismes à portée limitée pour la participation des citoyens peuvent évoluer en des interactions plus importantes entre eux et leurs administrations locales.

Conclusion

La participation des citoyens sous une forme ou sous une autre est une composante essentielle d'un projet de décentralisation qui veut réussir. Elle devient un élément courant dans l'environnement politique des pays en développement - 13,000 administrations locales en Amérique Latine sont élues maintenant comparativement à 3,000 en 1973. Mais l'information n'est pas pour autant parfait. Les planificateurs d'une politique de décentralisation doivent prendre en considération les imperfections dans l'information et ils doivent augmenter le taux de participation des citoyens dans l'action des administrations locales. La sensibilité des administrations locales aux préférences locales - une des raisons principales pour entreprendre un programme de décentralisation - ne peut mener à des initiatives efficaces s'il n'y a pas de mécanismes pour la communication d'informations entre administrations locales et citoyens.